Un skipper abandonne le navire après l’explosion de son IMOCA, un autre est secouru par un autre concurrent après avoir chaviré, un troisième voit son trimaran naufragé sur la côte espagnole – les derniers incidents de la Route du Rhum 2022

Cela a été encore 24 heures intenses dans le Route du Rhum 2022avec deux sauvetages spectaculaires en pleine mer, ainsi que de multiples autres abandons alors que la flotte de 138 bateaux continue de faire face à des conditions transatlantiques éprouvantes.

Le plus dramatique a été le sauvetage en pleine mer de Fabrice Amedeo. Amedeo a été contraint d’abandonner son IMOCA 60 Nexans – Art et Fenêtres après avoir littéralement explosé en feu au milieu de l’océan. Il a été secouru par un cargo voisin M/V Maersk Brida.

Amedeo, un ancien journaliste devenu coureur au large, a fait une description extraordinaire des événements qui ont conduit à son sauvetage :

« Dimanche matin : tout va bien à bord et je fais une belle course. Le bateau vole fort dans les grains et la mer est grosse. Soudain, je me rends compte que mon lest a explosé sur une vague et que j’ai plusieurs centaines de litres d’eau dans le bateau. Je m’arrête pour être en sécurité et commence à tout vider.

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« À ce moment-là, les batteries sont immédiatement touchées par l’eau et tombent en panne et j’ai un black-out complet à bord. Je n’ai plus d’électricité : plus de pilote automatique, plus d’ordinateur, plus d’électronique. Je décide, en concertation avec mon équipe, d’avancer prudemment vers Cascais.

« Dimanche après-midi : grosse fumée à bord du bateau. J’utilise l’extincteur, j’enfile ma TPS (combinaison de survie). J’alerte la direction de course qui demande à un concurrent en IMOCA de se dérouter pour m’assister si besoin. La fumée finit par s’arrêter. Je décide de reprendre ma traversée vers Cascais.

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Une image envoyée par Fabrice Amedeo peu après avoir demandé de l’aide par radio. Photo : Fabrice Amedeo / Nexans – Art et Fenêtres

« Je rencontre James Harayda, le skipper de Gentoo qui était venu dans la région pour m’aider. Je le remercie et reprends mon passage. Je sèche complètement le bateau et me prépare à un passage difficile…

« Encore 2h30 de sieste puis 7h à la barre. Peu après 12h30 plus de nouvelle fumée à bord. Suivie d’une explosion. Je rentre à tâtons dans la cabine et réussis à récupérer mon TPS. Mon Grab bag (sac de survie) était resté dans le cockpit. Je retourne chercher mon alliance. J’appuie sur l’extincteur mais rien ne se passe. La fumée n’est pas blanche comme hier mais jaune. Le cockpit se déforme et jaunit. Le jet d’eau de mer ressemble au bruit de l’eau frappant une casserole. Je comprends que je vais devoir évacuer. Je préviens mon équipe d’une possible évacuation.

« Quand je raccroche, je suis alors à l’arrière du bateau prêt à déclencher ma survie : un torrent de flammes sort de la cabine et du roof. Je suis pris au milieu des flammes. Je ne peux même pas ouvrir les yeux. J’arrive à pousser le radeau de sauvetage dans l’eau et à sauter.

« Normalement, l’extrémité qui retient le radeau de sauvetage au bateau est censée lâcher prise. Ça ne lâche pas. Le bateau, qui… continue d’avancer poussé par une mer agitée, le tire et il se remplit d’eau. J’arrive à monter à bord sans lâcher… Je me dis « si tu veux vivre tu as quelques secondes pour trouver le couteau et couper ». L’IMOCA me ramène vers lui. Les vagues m’en rapprochent dangereusement. Je trouve enfin le couteau et coupe. Mon radeau dérive sous le vent du bateau qui est en feu. Il faut 30 minutes pour couler. J’ai parlé au bateau et je l’ai remercié. On allait faire le tour du monde ensemble dans deux ans.

L’article continue ci-dessous…

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La réputation de la Route du Rhum comme l’une des courses au large les plus difficiles du calendrier de la voile en solitaire s’avère…

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Le départ de la transat en solitaire Route du Rhum 2022 est reporté au mercredi 9 novembre. La décision a été annoncée…

« Ensuite, il faut s’organiser. Le téléphone satellite n’aimait pas l’eau dans le radeau et ne fonctionnait pas.

« Je me dis : ‘personne ne sait que le bateau a coulé et que tu es dans ton radeau, si tu actives la balise de l’IMOCA que tu as pu emmener avec toi et que tu déclenches celle du radeau ils auront le informations’. C’est ce que je fais. je ne trouve pas de presse [sic] à bord. Une boîte Tupperware contenant des piles me sauvera. Je vide le radeau. Je commence l’attente. Je me tiens derrière le radeau pour qu’il ne se renverse pas.

« La mer est très, très grande. Je fais le point sur le matériel à bord et prépare la suite. Je rassemble les fusées éclairantes. J’ai mis le VHF autour de mon cou. Je passe trois à quatre heures dans ce radeau. Je suis étonnamment calme. Le radeau se remplit régulièrement d’eau provenant des vagues légèrement déferlantes. Je comprends tout cela mais je me sens en sécurité. Je sais pourtant que rien n’est fini.

« Toutes les 30 minutes, pour préserver les batteries, je fais un appel Mayday sur la VHF. J’ai embarqué la VHF grâce à Éric, mon team manager, qui a eu le temps de me donner ce conseil juste avant que je raccroche. Je garde les batteries du radeau pour plus tard.

« Quelques minutes plus tard, une voix me répond. Un cargo qui se trouve à 6 milles de ma position arrive dans la zone. Je suis rassuré mais je ne vois pas comment je vais embarquer sur un tel géant avec cette mer. Je suis en contact permanent sur la VHF avec le capitaine qui ne me voit pas : la mer est grosse et le soleil est sur l’eau et je suis un tout petit point orange. Il m’a dit plus tôt : « Tu es en vie parce que tu m’as dit : je suis à environ 2 milles de ton côté tribord ».

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Fabrice Amedeo dans l’eau en attente de secours

« Je lance une fusée de détresse. Il me voit. Il me perd. J’en ai touché un deuxième. Il me voit et arrive dans la zone. Il tente une première approche qui échoue. C’est très impressionnant d’être dans mon radeau pneumatique à quelques mètres de ce géant d’acier. Il s’excuse sur la VHF et part pour une approche. Au passage, le sillage se construit, le radeau se remplit d’eau. Il se repositionne au vent de moi, à quelques mètres, c’est fou, et dérive vers moi. Ce bâtiment calme un peu la mer et m’aspire. Le radeau frotte contre la coque d’avant en arrière. Si ça ne marche pas ça va très vite devenir compliqué. L’équipage m’a jeté des cordes que je n’ai pas pu récupérer du tout au début.

« Finalement, j’en récupère un près de la proue du navire. Tout se joue jusqu’au fil. Il y a l’épaisseur de cette ligne entre le succès et l’échec, la survie et le drame. L’équipage me tire jusqu’à une passerelle qui a été larguée. Avec les vagues je monte parfois au niveau du haut des marches puis descends 5 mètres plus bas. C’est une dernière épreuve. Si le radeau passe sous l’escalier, il sera percé et je serai jeté à l’eau. Je m’approche. Une première fois : j’ai l’impression que ce n’est pas bien. Une deuxième vague, je monte et hop. Je saute dans les escaliers que j’atteins, puis me retrouve dans les bras d’un homme casqué. Je monte sur le pont.

« Je suis accueilli par une vingtaine de membres d’équipage. C’est fou en ce moment. Ils me prennent dans leurs bras, me félicitent.

« Une fois à bord du cargo, la peur et l’adrénaline montent. Mes jambes tremblent. C’est fou, cette capacité animale qu’ont les humains à gérer une situation de survie. Ensuite, il frappe à la maison. La mort n’a pas voulu de moi aujourd’hui ou plutôt la vie n’a pas voulu que je la quitte. Je suis dévasté mais le plus heureux des hommes parce que ce soir ma femme et mes filles ne vont pas se coucher en pleurant.

« Cette aventure n’altère en rien ma passion pour mon métier et pour l’océan. Je tiens à remercier mon équipe, la direction de course du Route du Rhum – Destination Guadeloupeles équipes de secours, qui ont œuvré pour que cette opération de secours se déroule dans les meilleures conditions possibles.

« Je pense aussi à mes partenaires. Je les remercie pour leur confiance. je rebondirai. Nous allons rebondir.

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Le catamaran Marsaudon de Maisonneuve, CMA Ile de France – 60000.

Sauvetage Route du Rhum pour Brieuc Maisonneuve

La veille, Jean-Pierre Dick avait secouru son compatriote Brieuc Maisonneuve après le catamaran Marsaudon de Maisonneuve (CMA Ile de France – 60000) a chaviré.

Dick, un ancien skipper de l’IMOCA qui pilotait son one-off conçu par Verdier dans la classe Rhum Mono, a dévié sa route et a pu récupérer Maisonneuve de la coque de son catamaran renversé.

L’équipe de Maisonneuve se concentre maintenant sur un effort de sauvetage. Le multicoque renversé est à mi-chemin entre La Corogne et les Açores, à environ 400 milles du port espagnol.

Adrien Hardy, coureur au large spécialisé dans ce type d’opérations de sauvetage, travaille déjà sur zone à la récupération du trimaran Ocean Fifty chaviré Solidaires En Peloton – ARSEP. Le skipper Thibaut Vauchel-Camus a été secouru dimanche par le bateau de sauvetage Mérida.

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Une photo prise à bord d’un des Class 40 démâtés

Naufragé et secouru

Un troisième skipper a été secouru ce matin (mardi 15 novembre) alors que leur trimaran s’échouait. Erwan Thibouméry faisait route vers La Corogne (Espagne) après avoir subi une série de problèmes de voiles et de moteur sur son trimaran de 50 pieds Interaction, plan Nigel Irens, qu’il naviguait dans la classe Multi Rhum.

A 4h44 ce jour Thibouméry signale qu’il a perdu la manœuvrabilité du trimaran et est en difficulté au large de l’Espagne. Le skipper a été enlevé par hélicoptère, tandis que son bateau dérivait sur une plage de Ferreira.

A ce jour, 21 skippers ont été contraints à l’abandon : 13 Class 40, 4 IMOCA, 2 Rhum Multi et 2 en Ocean Fifty. Il s’agit de l’Australien Rupert Henry du jour au lendemain, dont le Class40 a subi des dommages structurels à une cloison avant, et de son compatriote Class 40 François Jambou dont A l’Aveugle – Trim Control a démâté, et Matthieu Perraut qui a eu une collision avec un objet sous-marin, endommageant le le carénage de la quille, le gouvernail bâbord et a provoqué un délaminage majeur de la zone de crash box dans le bas de la coque.

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Charles Caudrelier pilote actuellement la classe Ultime sur Maxi Edmond de Rothschild. Photo : Eloi Stichelbaut / PolaRYSE / Gitana

Le cliffhanger de la Route du Rhum

Impressionnant, le Ultimes ont subi moins de problèmes d’endommagement du foil suite à des collisions dans cette course.

Une planche SVR-Lazartigue, François Gabart a eu un problème technique avec une ligne de contrôle du tableau, mais a pu le réparer. « J’ai cassé la ligne qui monte et descend le foil bâbord. J’ai ralenti pendant deux ou trois heures pour réparer ça. J’ai hésité mais avec l’équipe on s’est dit qu’il y avait encore beaucoup de tribord amures avant l’arrivée, mais j’ai perdu pas mal de milles après avoir été satisfait de ma position sous le vent de Charles.

« Le rythme est assez intense. Depuis le départ, on a eu des bords au près, un premier front avec beaucoup de changements de voiles, puis du près sur l’autre bord, puis du largue, un second front aux Açores et encore du largue, et là on est au portant. Mais c’est ce à quoi vous pouvez vous attendre sur la Route du Rhum.

Lui et le leader de la course Charles Caudrelier sur Maxi Edmond de Rothschild sont désormais à moins de 500 milles de l’arrivée en Guadeloupe et devraient arriver tôt demain matin (mercredi 16 novembre).

Caudrelier a actuellement une avance de 80 milles sur Gabart, mais les vents notoirement légers et capricieux autour de l’île de Guadeloupe pourraient voir cet avantage se dissiper dans les derniers instants.

« Ce n’est pas fini avant la Guadeloupe ! Concentration et repos sont au programme de la journée », commentait-il ce matin. « Je n’ai pas assez d’avance pour me détendre complètement.

« Ce qui m’inquiète, c’est le peu autour de la Guadeloupe. J’ai peur que François « fasse un Joyon », qu’il se venge une dernière fois ! », a ajouté Caudrelier, rappelant comment Joyon a échappé à Gabart pour s’imposer dans des vents faibles lors de la dernière nuit de la Route du 2018. Course de rhum.

« Je vais arriver au mauvais moment, en début de nuit en heure locale. A cette heure de la journée, les vents ne descendent pas encore de la terre. Tout est en place pour créer un cliffhanger d’arrivée comme on les aime à terre, mais qu’on déteste en mer en tant que régatier ».

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Violette Laurent est une blogueuse tech nantaise diplômée en communication de masse et douée pour l'écriture. Elle est la rédactrice en chef de fr.techtribune.net. Les sujets de prédilection de Violette sont la technologie et la cryptographie. Elle est également une grande fan d'Anime et de Manga.

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