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Cette semaine, l’agence nationale française de lutte contre le piratage Arcom s’est exprimée au Festival de Cannes. Le public a entendu que la France est sérieuse dans la lutte contre le piratage en ligne et que de nouveaux pouvoirs de blocage aideront à réprimer les services contrefaisants. Ce qui n’a pas été mentionné, c’est que la loi française interdit aux services de streaming de diffuser des films récents, ce qui maintient sans doute le piratage pertinent en même temps.
Au début de cette année, un nouveau projet de loi est entré en vigueur en France qui a créé un nouvel organisme de réglementation.
L’ancienne HADOPI anti-piraterie fusionne avec le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel, créant l’Autorité de Régulation de l’Audiovisuel et de la Communication Numérique (Arcom).
En plus du changement organisationnel, l’équipe anti-piratage a également reçu de nouveaux pouvoirs. Par exemple, Arcom maintient une liste noire de sites et de miroirs problématiques, que divers fournisseurs de services peuvent utiliser pour bloquer ou supprimer les domaines associés.
L’équipe a également le pouvoir de commander rapidement des services en ligne pour supprimer les flux sans licence d’événements sportifs en direct. Cela est conforme à la législation de l’UE qui prescrit des procédures de retrait rapides pour les diffusions en direct.
Table ronde cannoise sur la piraterie
Cette semaine, Denis Rapone, membre du conseil d’administration d’Arcom, a prononcé le premier discours public devant un public de professionnels du cinéma au Festival de Cannes. Rapone a salué les efforts juridiques des sociétés cinématographiques au cours de la dernière décennie et a souligné que la France est un allié dans la lutte contre le piratage.
« Nous partageons un combat fédérateur : celui de protéger la création française et sa vitalité contre le fléau prédateur de la piraterie », a déclaré Rapone, lors d’une table ronde.
Rapone a poursuivi en reconnaissant que de nombreux progrès avaient déjà été réalisés au cours des dernières années. Par exemple, les titulaires de droits d’auteur ont demandé avec succès le blocage des FAI contre des centaines de sites pirates devant les tribunaux. Par ailleurs, le dispositif de riposte graduée de l’HADOPI a également pesé sur les chiffres de la piraterie.
Cela a stoppé la croissance du piratage en France et ces dernières années, le nombre de visites de sites pirates tend à baisser. Cependant, avec des millions de personnes qui utilisent encore régulièrement des sources non autorisées, il reste du travail à faire.
« Ces atteintes graves et répétées au droit d’auteur, perpétrées à grande échelle, ne sont pas acceptables », a déclaré Rapone. « Il est temps que les pouvoirs publics interviennent et agissent avec force dans le cadre des nouvelles opportunités qui s’offrent à eux.
Arcom est heureux de relever le gant. L’agence gouvernementale a le pouvoir de signaler les sources illicites et de prendre des mesures rapides et efficaces. Il a déjà enregistré un certain succès sur ce front, en fermant les flux en direct d’événements sportifs.
La France s’engage dans la lutte contre la piraterie
Comme le montre la présence d’Arcom au Festival de Cannes, les autorités prêtent également main forte à l’industrie du cinéma.
« Nous pouvons nous réjouir que la France ait choisi de faire de la protection de la création et de l’éradication de la piraterie un objectif majeur de politique publique. Cela ne peut se faire que par la détermination et la mobilisation conjuguées des acteurs créatifs et des pouvoirs publics », note Rapone.
Le discours est accompagné d’une brève présentation qui appuie certaines des affirmations. S’appuyant sur les recherches de l’EUIPO, il montre que le piratage a commencé à décliner. Au sein de l’Europe, la France se situe dans la moitié inférieure de tous les pays classés par le nombre moyen de visiteurs sur les sites pirates.
C’est un signe positif en effet, mais en y regardant de plus près, il y a quelque chose qui ressort. Si l’on ne compte que les visites « piratage de films », la France se retrouve bien plus haut sur les listes. En effet, les Français visitent plus souvent les sites de piratage de films que ceux des pays les plus piratés.
Windows à libération obligatoire et piratage
On ne sait pas si cela a été discuté lors de la table ronde. Cependant, il est probable que la politique française soit l’une des raisons de cette aberration.
Depuis plus de deux décennies, la France a un «chronologie des médias» loi qui donne une fenêtre de sortie exclusive aux salles de cinéma. Cela s’applique aux locations de vidéos mais aussi aux services de streaming tels que Netflix, Amazon Prime et Disney+.
Jusqu’à cette année, les services de streaming ne pouvaient pas diffuser un film dans les trois ans suivant sa première au cinéma. C’était récemment raccourci à 17 mois pour Disney et Amazon, et 15 mois pour Netflix, ce dernier ayant accepté un investissement annuel de 190 millions d’euros dans les contenus cinématographiques et télévisuels locaux.
Ces restrictions ne s’appliquent pas au contenu diffusé exclusivement en ligne. Cependant, pour Disney, cela signifie qu’il ne peut pas montrer ses sorties de films à succès sur Disney + pendant plus d’un an.
Inutile de dire qu’il peut être assez frustrant pour les cinéphiles français de voir des gens du monde entier profiter de films récents sur des services de streaming, alors qu’ils ne le peuvent pas. Les salles de cinéma, quant à elles, sont plutôt satisfaites.
C’est peut-être une suggestion controversée, mais se pourrait-il que ces fenêtres de sortie obligatoires motivent en fait certaines personnes à regarder les films via des sites pirates à la place ?
C’est peut-être quelque chose qu’Arcom pourrait envisager à l’avenir. Après tout, lorsqu’il s’agit de vaincre le piratage, les autorités ne doivent pas seulement se pencher sur l’offre illégale, mais aussi sur les alternatives légales.