Accueil > Anti-piratage > Blocage de sites >
Le registre de domaine .CA et la CIPPIC ont déposé leur intervention dans l’appel de blocage des sites pirates au Canada. Les groupes soutiennent que l’injonction de blocage met à l’écart le régulateur des télécommunications et perturbe l’équilibre établi par la loi sur le droit d’auteur. En outre, ils estiment que les droits des utilisateurs, y compris la liberté d’expression, doivent être soigneusement examinés.
L’année dernière, la Cour fédérale du Canada a approuvé la première ordonnance de blocage de sites pirates au pays.
À la suite d’une plainte des grandes sociétés de médias Rogers, Bell et TVA, la Cour a ordonné à plusieurs grands FSI de bloquer l’accès aux domaines et aux adresses IP du service IPTV pirate GoldTV.
Il y a eu peu d’opposition de la part des fournisseurs Internet, à l’exception de TekSavvy, qui a rapidement annoncé qu’il ferait appel de la décision. L’injonction de blocage menace l’Internet ouvert de faire avancer les intérêts de quelques puissants conglomérats médiatiques, a déclaré la société.
Peu de temps après, l’affaire historique a également suscité l’intérêt de plusieurs tiers. Cela comprenait des groupes de détenteurs de droits d’auteur, qui ont plaidé en faveur du blocage de sites, mais aussi le registre de domaine canadien (CIRA) et la clinique juridique de l’Université d’Ottowa CIPPIC, qui s’opposent tous deux à l’ordonnance de blocage.
Le CIPPIC et l’ACEI interviennent
Il y a deux mois, la Cour fédérale a autorisé ces parties à intervenir officiellement, mais a statué que plusieurs d’entre elles devaient se jumeler pour déposer des plaidoiries conjointes. C’était également le cas de la CIPPIC et de l’ACEI, qui ont déposé cette semaine leur mémoire d’intervention.
Les groupes soutiennent que le processus par lequel l’ordre de blocage a été établi au Canada n’était pas correct. La CIPPIC, par exemple, affirme qu’elle perturbe le régime d’application soigneusement élaboré de la Loi sur le droit d’auteur du Canada, en faisant pencher la balance en faveur des titulaires de droits d’auteur.
La Loi sur le droit d’auteur autorise spécifiquement des mesures d’application contre les moteurs de recherche et les fournisseurs d’hébergement, qui peuvent être tenus de supprimer le contenu contrefait. Cependant, la loi n’étend pas ces exigences de suppression aux FAI.
«L’absence de tout pouvoir de contrôle de la diffusion par les FAI des objets contrefaits est, dans le cadre de la loi, un droit des utilisateurs à la diffusion par les FAI», écrivent les groupes dans leur intervention.
L’injonction de blocage change cela, car elle restreint potentiellement la libre circulation des informations en obligeant les FAI à bloquer le contenu.
Le régulateur des télécommunications devrait avoir son mot à dire
Pour sa part, l’ACEI souligne que la loi canadienne sur les télécommunications n’a pas été respectée par le tribunal. Le registre de domaine note que le blocage des commandes est en effet une question de droit d’auteur. Cependant, il ajoute que l’exigence de blocage de grande envergure nécessite l’approbation du CRTC, l’organisme de réglementation des télécommunications du Canada.
La Loi sur les télécommunications stipule qu’un fournisseur Internet ne peut «contrôler ni influencer» sans l’approbation du CRTC, ce qui semble s’appliquer directement dans ce cas.
«Pourtant, la décision portée en appel suggère que la loi sur les télécommunications ne restreint pas la compétence ou le pouvoir discrétionnaire des tribunaux d’ordonner le blocage sans l’approbation du CRTC ni ne permet au CRTC de« s’ingérer »dans une telle ordonnance», lit-on dans l’intervention.
L’intervention suggère en outre que cette affaire pourrait justifier un examen plus approfondi de la part du CRTC parce que les titulaires de droits d’auteur (Bell et Rogers) et certains des défendeurs FSI appartiennent aux mêmes entreprises.
Les schémas de blocage étrangers ne sont pas sans restrictions
En plus des préoccupations de la Loi sur le droit d’auteur et de la Loi sur les télécommunications, la CIPPIC et l’ACEI soulignent que le blocage des sites pirates dans d’autres pays n’est pas sans controverse et restrictions. Ils font partie de régimes statutaires détaillés, dont le Canada n’a pas.
Aux États-Unis, par exemple, le blocage des injonctions est une option, mais très limitée. Les législateurs ont essayé de changer cela il y a plusieurs années avec les projets de loi SOPA et PIPA, mais les deux ont échoué.
«En tant que tel, le blocage basé sur les FAI aux États-Unis n’est envisagé que dans le cadre d’une disposition explicite et étroite de portée limitée. Parce que les tribunaux américains n’ont généralement pas approuvé les ordonnances de blocage, les titulaires de droits d’auteur aux États-Unis demandent aux législateurs une réforme législative », indique l’intervention.
En Australie, la loi a été mise à jour pour permettre spécifiquement le blocage des injonctions, mais ces mesures sont également assorties de restrictions. Par exemple, ils ne peuvent être émis que contre des sites étrangers.
Bon nombre de ces problèmes n’ont pas été pris en compte au Canada. Selon les parties intervenantes, ce n’est pas juste. Outre la question de savoir si ce type d’exécution est justifié, il aurait fallu accorder plus d’attention aux droits du public, dont la liberté d’expression est en jeu.
« [L]La protection de la liberté d’expression et la réglementation du transport public justifient plus que quelques phrases combinées. Les décideurs politiques, les législateurs et les juges du monde entier ont soigneusement examiné chaque question selon les lois de leur juridiction particulière. Le même niveau de contrôle devrait s’appliquer au Canada », concluent la CIPPIC et l’ACEI.
–
Une copie du mémoire soumis à la Cour fédérale de la CIPPIC et de l’ACEI est disponible ici (pdf).