je peut entendre le bruit du peuplier faux-tremble, comme un courant d’eau rapide ondulant sur le lit d’un ruisseau de gravier, bien avant qu’il ne se soulève dans le virage du sentier. Populus tremula est un arbre agité avec une voix distinctive, jamais silencieux, même dans les airs les plus légers. Dans les conditions venteuses d’aujourd’hui, il frissonne et chuchote dans les accalmies, puis monte en crescendo jusqu’à un torrent impétueux à chaque rafale.
Les pétioles longs et minces sont aplatis verticalement, de sorte que le feuillage ne peut se balancer librement que d’un côté à l’autre, collision, frottement, bruissement. Les feuilles « font un grand bruit en étant battues les unes contre les autres », écrit John Gerard dans son Herbal de 1597, « oui, même si le temps est calme et peu venté ».
Ce qui semble être un bosquet d’une douzaine d’arbres ici, à côté de cette ancienne voie ferrée, est probablement une entité génétique. Tremble envoie des rejets à partir des racines de surface, de sorte qu’un individu solitaire devient rapidement un bosquet de clones. Alors que les racines s’étendent vers l’extérieur, un groupe précurseur de petits scions menace d’envahir le sentier.
UNE chenille du peuplier, Laothoe populi, se nourrit de l’un d’eux. Dodu, presque aussi long que mon pouce, avec une pointe distinctive mais inoffensive sur sa queue, c’est une machine à défolier les lépidoptères, démolissant sans relâche feuille après feuille. Bientôt, entièrement nourri, il rampera le long du tronc, se tortillant sous l’herbe morte et les feuilles en décomposition, pour se nymphoser tout l’hiver.
La coloration verte cryptique de la larve, qui correspond aux feuilles qu’elle consomme, devrait la rendre difficile à repérer, mais le vent capricieux trahit sa présence. Lorsque le feuillage environnant se balance d’un côté à l’autre, le rythme du corps pendant de la chenille se déplace avec lui, de manière décalée, se balançant lentement comme un lourd pendule sur une longue tige de feuille.
Il y a urgence dans son alimentation : le temps presse ; déjà quelques feuilles prennent leur teinte d’automne et s’envolent sur le chemin. Encore quelques nuits fraîches et l’arbre se dressera, branches nues, dans une flaque jaune citron éblouissante de sa propre fabrication. Le tremble aura perdu sa voix, un son qui me manquera quand je repasserai par là en hiver.