Le fabricant allemand de smartphones Shift affirme que la quantité d’écrans vraiment cassés que ses clients ont renvoyés rentrerait dans une boîte de déménagement ordinaire. L’entreprise est basée à Falkenberg dans le Land allemand de Hesse et en 2016 a été le premier fabricant de smartphones à introduire un système de consigne pour ses modèles Shiftphone.

Si vous ne voulez plus utiliser le téléphone de l’entreprise, il vous suffit de le rendre, de payer sa soi-disant valeur de récupération, de récupérer votre caution – généralement autour de 22 € (23 $) – et c’est tout.

L’objectif du modèle commercial inhabituel de Shift est de réutiliser tous les composants fonctionnels de ses téléphones. Le nombre de ces pièces qui ne peuvent pas être sauvées d’une manière ou d’une autre, comme les écrans cassés, est faible, a déclaré la société à DW. Cela est possible grâce à la conception modulaire des téléphones, a-t-il déclaré, ce qui signifie que la plupart des composants peuvent être facilement remplacés.

Seuls quelques clients en Allemagne font réparer des smartphones avec des écrans cassés

‘modularisation’ magique

Alors que l’entreprise commercialise son modèle Shift6m comme « le smartphone le plus modulaire au monde » sur son site internet, l’Institut Fraunhofer pour la fiabilité et la microintégration (IZM) aborde le sujet des appareils électroniques fiables et durables d’un point de vue scientifique.

Marina Proske et Karsten Schischke de l’institut basé à Berlin ont collaboré avec Shift pour développer ses smartphones. Ce qu’ils appelaient la « modularisation » était déjà la norme dans la fabrication d’ordinateurs de bureau, mais n’est pas encore devenu plus courant dans la fabrication de smartphones et les tablettes PC.

« Shift a montré qu’il est possible de remplacer même des composants très petits afin que les réparations ne soient pas coûteuses, lorsque les pièces de rechange sont facilement disponibles », a déclaré Proske à DW. « Le temps, c’est de l’argent, surtout pour les ateliers de réparation commerciaux. »

Proske a ajouté que la façon dont les composants étaient placés dans un téléphone était tout aussi importante, car il ne serait pas bon que de nombreux autres composants soient retirés avant que celui qui soit cassé puisse être remplacé.

Les gadgets non réparables à bannir

Les chercheurs de Fraunhofer ont découvert que les batteries et les écrans des smartphones sont de loin les composants les plus susceptibles de se casser. Proske a donc exigé que même les clients ordinaires puissent les remplacer et a souligné un inconvénient majeur des réparations commerciales. « Les appareils sont généralement retournés aux clients avec toutes les données personnelles complètement effacées.

C’est pourquoi il est bien mieux de faire soi-même les réparations à la maison », a-t-elle déclaré. Ce qui pourrait être un problème, cependant, c’est que le téléphone pourrait alors ne plus être étanche ou résistant à la poussière, et la recharge sans fil pourrait également être altérée, a-t-elle ajouté.

Les découvertes d’IZM contribuent à la législation actuellement en préparation par la Commission européenne pour améliorer ce que l’on appelle l’ingénierie environnementale et de fiabilité en ce qui concerne les smartphones et les tablettes PC vendus dans l’UE. Les règles visent à définir de nouvelles exigences de conception de produits telles que la fourniture de pièces de rechange, la durabilité des batteries et d’autres normes pour améliorer la durée de vie des appareils électroniques.

« L’objectif minimum visé est une interdiction commerciale des gadgets non réparables« , a déclaré Karsten Schischke, chercheur à l’IZM. Il plaide pour une « étiquette de réparation » pour donner aux clients un choix de produits, à l’instar de l’étiquetage déjà en place pour la consommation d’énergie.

Les batteries remplaçables sont devenues rares dans les smartphones

« Greenwashing » et autres problèmes d’étiquetage

Au niveau national, la France a mis en place en avril 2021 un indice de facilité de réparation des téléviseurs, smartphones, ordinateurs portables, machines à laver et tondeuses à gazon, les constructeurs s’attribuant des points de 1 à 10. Un an plus tard, une enquête du Consumer Le groupe HOP a constaté que la moitié de la population connaissait l’indice et l’utilisait pour prendre des décisions d’achat.

« Les fabricants et les vendeurs ont apporté de précieuses contributions à l’indice, par exemple en fournissant plus de manuels de réparation et de meilleures opportunités d’acheter plus facilement des pièces de rechange », a déclaré HOP dans son rapport.

Cependant, le groupe a également déclaré qu’il n’y avait que peu de produits classés dans les catégories d’indices inférieurs, ce qui indiquerait que la plupart d’entre eux étaient effectivement faciles à réparer ou qu’il n’y avait pas de critères stricts à respecter. Il a déploré que des points globaux élevés puissent être obtenus malgré le fait qu’un appareil ne puisse pas être démonté, rendant ainsi les réparations pratiquement impossibles.

HOP a cité les smartphones Apple et Samsung comme exemples les plus frappants. « Démonter trois gadgets [included in the index] s’est avéré presque impossible car les pièces étaient soudées ou collées ensemble. »

À la suite de ses conclusions, le HOP a appelé à plus de transparence, affirmant qu’il souhaitait voir les détails des calculs de l’indice publiés, y compris les données sur combien de temps les pièces de rechange sont-elles réellement disponibles et à quels prix.

L’association allemande Runder Tisch Reparatur, qui se traduit par Repair Roundtable, demande également des mesures pour améliorer la réparabilité des appareils électroniques. L’organisation rassemble des groupes de défense de l’environnement et des consommateurs ainsi que des professionnels d’entreprises artisanales.

Dans une liste de demandes envoyées au gouvernement allemand, ils poussent des mesures destinées à réduire les coûts de réparation telles que la réduction de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) ou une prime parrainée par le gouvernement pour les clients.

Centres de réparation dans les centres commerciaux

Jonathan Schött, de la Repair Roundtable, a déclaré que les clients en Allemagne manquaient toujours de « réparateurs dignes de confiance », car s’installer dans l’entreprise n’est pas assez lucratif. Les monopoles des fabricants sur les logiciels et les pièces, a-t-il déclaré à DW, ainsi que l’accès limité aux données techniques des appareils rendraient difficile la gestion d’un atelier de réparation.

Greenpeace a entrepris de changer cela avec une campagne publique visant à donner aux ateliers de réparation plus de visibilité dans l’espace public. « Nous faisons campagne pour qu’un dixième de toutes les surfaces de vente au détail en Allemagne soit loué à des entreprises qui offrent des alternatives à l’achat de nouveaux biens », a déclaré Viola Wohlgemuth, experte de Greenpeace sur l’économie circulaire et la protection des ressources. Les commerces soutenus sont principalement des ateliers de réparation, mais aussi des points de vente de prêt sur gage et de change, ainsi que des magasins proposant des produits usagés et recyclés.

« Ces espaces de vente doivent être situés en plein milieu des activités commerciales de vente au détail », a-t-elle déclaré à DW, « et devraient être soutenus par les autorités locales avec des allégements fiscaux, des loyers subventionnés et d’autres incitations financières ».

Greenpeace a récemment annoncé qu’il cherchait toujours des communautés locales et des municipalités pour lancer sa campagne en Allemagne.

Cet article a été initialement publié en allemand.