Les smartphones à commande vocale visent un marché vaste mais largement ignoré en Afrique subsaharienne – les dizaines de millions de personnes qui font face à d’énormes défis dans la vie parce qu’elles ne savent ni lire ni écrire.
En Côte d’Ivoire, un soi-disant « superphone » utilisant un assistant vocal qui répond aux commandes dans une langue locale est présenté à la grande partie de la population – jusqu’à 40 % – qui est analphabète.
Développé et assemblé localement, le téléphone est conçu pour rendre les tâches quotidiennes plus accessibles, de la compréhension d’un document et la vérification d’un solde bancaire à la communication avec les agences gouvernementales.
« Je viens d’acheter ce téléphone pour mes parents restés au village, qui ne savent ni lire ni écrire », raconte Floride Jogbe, une jeune femme impressionnée par les publicités sur les réseaux sociaux.
Elle pensait que les 60 000 francs CFA (~ 92 $ / 1 600 rands) qu’elle avait déboursés étaient de l’argent bien dépensé.
Le smartphone utilise un système d’exploitation appelé « Kone » qui est unique à la société Cerco et couvre 17 langues parlées en Côte d’Ivoire, dont le baoulé, le bété et le dioula, ainsi que 50 autres langues africaines.
Le Cerco espère l’étendre à 1 000 langues, atteignant la moitié de la population du continent, grâce à l’aide d’un réseau de 3 000 volontaires.
L’objectif est de répondre à la « frustration » que les analphabètes ressentent face à la technologie qui les oblige à savoir lire, écrire ou épeler efficacement, a déclaré le président du Cerco, Alain Capo-Chichi, de nationalité béninoise.
« Diverses institutions se sont donné pour priorité d’alphabétiser les gens avant de mettre la technologie à leur disposition », explique-t-il à l’AFP.
« Notre voie fait l’impasse sur la lecture et l’écriture et va directement à l’intégration des personnes dans la vie économique et sociale. »
Sur les 750 millions d’adultes dans le monde qui ne savent ni lire ni écrire, 27 % vivent au sud du Sahara, selon les chiffres de l’ONU pour 2016, la dernière année pour laquelle des données sont disponibles.
Le continent abrite également près de 2 000 langues, dont certaines sont parlées par des dizaines de millions de personnes et sont utilisées pour la communication interethnique, tandis que d’autres sont des dialectes peu répandus géographiquement.
Le manque de chiffres ou de poids économique signifie souvent que ces langages sont négligés par les développeurs qui ont déjà conçu des assistants vocaux pour les langages des marchés plus importants.
Twi et kiswahili
Parmi les autres entreprises qui investissent dans le domaine des opérations vocales en Afrique, citons Mobobi, qui a créé un assistant vocal en langue twi au Ghana appelé Abena AI, tandis que Mozilla travaille sur un assistant en kiswahili, qui compte environ 100 millions de locuteurs en Afrique de l’Est.
L’expert en télécommunications Jean-Marie Akepo s’est demandé si le fonctionnement vocal nécessitait la plate-forme d’un téléphone mobile dédié.
La technologie existante « arrive à satisfaire les gens », a-t-il dit.
« Avec les services de messagerie vocale proposés par WhatsApp, par exemple, une grande partie du problème a déjà été résolu. »
Au lieu d’un nouveau téléphone, il a recommandé « un logiciel avec des langues locales pouvant être installé sur n’importe quel smartphone ».
Le téléphone ivoirien est produit au Village des TIC et de la Biotechnologie à Grand-Bassam, une zone franche située à proximité de la capitale ivoirienne.
Il est né d’une collaboration étroite avec le gouvernement. L’entreprise ne paie ni taxes ni droits de douane et l’usine d’assemblage a bénéficié d’une subvention de plus de deux milliards de francs CFA.
En échange, Cerco doit verser 3,5 % de ses revenus à l’État et former environ 1 200 jeunes chaque année.
La société affirme avoir reçu 200 000 commandes depuis son lancement le 21 juillet.
Grâce à un partenariat avec le géant français des télécommunications Orange, le téléphone sera distribué dans 200 magasins à travers la Côte d’Ivoire.