C’était le moment qu’ils attendaient tous, certains avec un gloussement d’anticipation, certains avec consternation, certains restaient «muets»: le tout premier témoignage du premier ministre Justin Trudeau devant un comité parlementaire.

Trudeau et ses adversaires étaient, comme toujours, des mondes séparés. Pour lui, les relations de sa famille avec un monstre de bienfaisance et les relations de son gouvernement avec eux étaient comme des pommes aux oranges. Pour eux, de cours ils ne l’étaient pas.

Et donc, chacun dans ses bureaux (ou bureaux à domicile), souvent aux prises avec l’infrastructure virtuelle, sans les exclamations chahutantes qui auraient sonné en personne dans une salle de comité, ce groupe de politiciens fédéraux – auxquels leurs électeurs font confiance pour apporter un examen minutieux et bon politique à Ottawa — se sont installés dans leurs positions prédéterminées pour une heure de repartie.

Parce que les tenants et les aboutissants d’Ottawa (et, semble-t-il, les organismes de bienfaisance) peuvent être compliqués et que les politiciens ont parfois du mal à s’exprimer clairement, voici une approximation approximative de ce qui se passe en cette journée historique.

Premier ministre Justin Trudeau: Chers collègues, je suis ici pour vous dire à quel point ce gouvernement apprécie une alimentation saine. Nous croyons que les jeunes ont besoin – en fait ne peuvent pas vivre sans – de légumes. Nous savons que les champs ont été stériles cette année. Dans des circonstances extraordinaires, notre fonction publique indépendante a identifié une ferme à partir de laquelle une multitude de carottes pourraient être distribuées aux étudiants vulnérables de notre pays. En fait, c’était le seul capable –

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Député concerné: Point d’ordre! Point d’ordre. Monsieur le président, si je pouvais prendre quelques instants pour clarifier la logistique …

Président Wayne Easter: Ça va aller. Mon iPad est prêt.

Trudeau: (S’éclaircit la gorge.) Ma famille a visité la ferme et a mangé son brocoli. Même si je suis moi-même un spécialiste des légumes et que j’ai pris plus de temps pour examiner cette décision, j’aurais dû sortir de la salle alors que mes collègues hautement indépendants en discutaient. Pour cela, pour ne pas m’éloigner de la table, j’en assume l’entière responsabilité. En fait, je suis volontaire. En conclusion, je n’ai jamais parlé à ces agriculteurs. Je continue à croire en la classe des têtes de violon et à ceux qui travaillent dur pour en faire partie.

Le député conservateur Pierre Poilievre: Quelle quantité de brocoli votre famille a-t-elle mangée, monsieur Trudeau? En détail!

Trudeau: Je n’ai pas ça.

Député libéral: Point d’ordre. Point d’ordre. Quelle est la pertinence du brocoli?

Poilievre: Je veux une liste détaillée de chaque fleuron consommé par votre mère, votre femme, votre frère et vous-même. Chaque fleuron.

Trudeau: Je n’ai pas ça.

Poilievre: Comment pourriez-vous ne pas savoir quand votre conjoint a consommé si récemment une somptueuse portion de brocoli?

Trudeau: Le commissaire à l’éthique a approuvé cela. Je coopère toujours avec le commissaire à l’éthique.

Poilievre: Je ne sais pas à quel point ma question peut être plus claire. Ils vous donnent des légumes. Et puis vous fertilisez leurs légumes. Si le brocoli n’est pas une incitation, je ne sais pas ce que c’est. Répondre à la question.

Trudeau: Ma mère-

Poilievre: Juste le nombre.

Trudeau: Je – ah –

Poilievre: COMBIEN DE BROCCOLI?

Député libéral: Euh, les gars? Le pouvoir de la chaise a disparu.

Poilievre: Comme c’est pratique.

Député néo-démocrate: En fait, la procédure est que le vice-président prend le relais.

Poilievre: Oh. Bien. C’est moi. Je vais me donner la parole.

Trudeau: Euh…

Poilievre: COMBIEN DE BROCCOLI?

Trudeau: Bien-

Poilievre: AVEZ-VOUS LU LA LOI D’ÉTHIQUE?

Trudeau: Avoir tu?

Chaise: Ce ne serait pas la première fois que vous essayez d’éteindre mes lumières, monsieur Poilievre! Encore une question.

Poilievre: Vous dites que vous ne savez pas combien de brocoli votre famille a consommé. Personne ne te croit. COMBIEN DE BROCCOLI?

Trudeau: Je collabore avec le commissaire à l’éthique, et c’est ce à quoi s’attendent les Canadiens.

Le député néo-démocrate Charlie Angus: Réalises-tu ce que tu as fait ici? Vous blessez les enfants, monsieur le premier ministre. Bien sûr, il y avait des drapeaux rouges à propos de cette ferme depuis le début. Travail sous-payé, mauvaise irrigation, récolte inégale. Mais maintenant, ces enfants se retrouvent sans carottes ni légumes d’aucune sorte.

Trudeau: Nous avons pourvu aux Canadiens. Nous avons fourni du pain. Nous avons fourni des fruits. Nous fournissons des yaourts. Nous fournissons des homards. Nous avons même fourni des serviettes.

Angus: Viens sur.

Trudeau: Dans une sécheresse comme celle-ci, il est tout aussi mauvais d’agir lentement et sans erreur que d’agir rapidement et –

Angus: Ayez des remords!

Trudeau: Je voudrais prendre un moment pour reconnaître ma profonde admiration personnelle pour la fonction publique professionnelle et indépendante.

Angus: Franchement, qu’en est-il des panais? Et les patates douces? Pourquoi aucune alternative n’a-t-elle été envisagée?

Trudeau: Les Canadiens s’attendent – ils le savent en fait – que leur gouvernement se soucie profondément de leur accès aux légumes-racines.

Chaise: Dernière question.

Angus: QU’EN EST-IL DES PARSNIPS? TRUDEAU? LES PARSNIPS MÉRITENT UNE CHANCE DE COMBAT!

Trudeau: Quelque chose de la fonction publique, monsieur Angus.

Le député du Bloc québécois Rhéal Fortin: Votre ministre des Finances a une pousse dans cette ferme! Sa famille a accepté des quantités massives de brocoli gratuitement et il… l’a oublié?! Comment oublier autant de brocoli? Ce n’était pas seulement une tête de brocoli, monsieur le président! C’était une hydre de brocoli!

Trudeau: Je n’en savais rien. Il y a, en fait, beaucoup de choses que je ne semble pas avoir su.

Fortin: Au fait, avez-vous déjà essayé de savoir si les agriculteurs étaient enregistrés pour vous vendre leurs légumes?

Trudeau: Eh bien, ils n’essayaient pas vraiment de me vendre des légumes. J’essayais de les aider à fournir des car …

Fortin: Avez-vous déjà demandé à un membre de votre personnel de vérifier s’il était inscrit?

Trudeau: Eh bien, vous voyez, je ne pense pas qu’ils avaient besoin de –

Fortin: Avez-vous déjà demandé au cabinet du ministre des Finances de vérifier s’ils étaient enregistrés?!

Trudeau: Et bien non.

Députés libéraux du comité: Prenons tous une profonde inspiration, d’accord? Inhaler. Exhaler. Fermons les yeux et réfléchissons au merveilleux travail que fait notre gouvernement. Et pensons aussi aux enfants.

Trudeau:

Chaise: Vous êtes muet, Premier ministre.

Trudeau: Désolé. Oui. Les enfants, absolument.

Libéral: Les enfants dont les carottes leur ont été enlevées par une foule de politiciens et de journalistes. Et eux? Et leurs carottes? Ces carottes ne sont-elles pas au cœur même de notre démocratie?

Trudeau: Certainement, et je suis heureux que vous ayez posé la question. Notre gouvernement demeure absolument engagé envers les jeunes. Aux carottes. A l’achat de carottes. Des erreurs ont été commises. Mais en fin de compte, ce sont les carottes, et aucun autre légume lié à cette discussion, qui importait.

Libéral: De plus, ta mère est tout simplement merveilleuse.

Trudeau: C’est vrai. Permettez-moi de prendre un moment pour discuter de son livre.

Libéral: N’est-il pas vrai, premier ministre, que le brocoli n’est qu’une distraction? Plus précisément, n’est-il pas juste que nos amis de l’opposition n’offrent pas d’alternative crédible au leadership pour que notre capacité à rester au pouvoir ne soit pas du tout menacée par ce débat? Que, à la fin de la journée, nos choix de légumes, bien que prévisibles et bornés, n’auront aucune incidence sur nos résultats électoraux ultimes? Que le brocoli soit impliqué ou non, et que la ferme elle-même s’effondre ou non, notre capacité à fertiliser les terres de cette nation dans le meilleur intérêt des jeunes ne sera absolument pas atténuée?

Trudeau: Comme je l’ai dit, monsieur le président. Je coopère avec le commissaire à l’éthique. Et c’est ce que les Canadiens méritent.

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Berthe Lefurgey
Berthe Lefurgey est une journaliste chevronnée, passionnée par la technologie et l'innovation, qui fait actuellement ses armes en tant que rédactrice de premier plan pour TechTribune France. Avec une carrière de plus de dix ans dans le monde du journalisme technologique, Berthe s'est imposée comme une voix de confiance dans l'industrie. Pour en savoir plus sur elle, cliquez ici. Pour la contacter cliquez ici

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