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En salle ce mercredi, Le créateur crée la surprise. Celle du grand retour de Gareth Edwards, dont on était resté sans nouvelles depuis la sortie en 2016 de Rogue One : Une histoire de Star Warsbrillant préquel de La Guerre des étoiles à la postproduction houlière, qui avait poussé à bout les nerfs du réalisateur. Manifestement frustré par un premier montage, Lucasfilm avait commandé de nombreuses reprend par un autre metteur en scène (Tony Gilroy), principalement situé dans le troisième acte, tandis que Gareth Edwards n’avait plus voix au chapitre. Épuisé par l’expérience, Edwards semblait s’être retiré des affaires hollywoodiennes et, au vu du talent déployé dans ses trois premiers longs-métrages (Monstres, Godzilla et Voleur undonc), on ne peut que se réjouir de ce come-back aux commandes d’un nouveau blockbuster de SF.

Mijoté à 100 % dans les neurones de Gareth Edwards et de son coscénariste Chris Weitz, Le créateur étonne aussi par son synchronisme avec l’air du temps polarisé autour des grandes craintes suscitées par l’intelligence artificielle. S’ouvrant sur un résumé-montage de l’évolution des décennies précédant l’action, à la manière du Soleil vert de Richard Fleischer et sur le ton d’une réclame rétro, le film dépeint un futur relativement proche (les années 2070) où l’humanité a connu un premier cataclysme lié à l’omniprésence des robots. À la suite d’un conflit énigmatique dont nous ne comprendrons jamais vraiment les causes, l’IA s’est prise pour Dieu en dévastant Los Angeles par une attaque nucléaire.

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Univers de SF crédible et somptueux

Désormais combattues et traquées par les nations occidentales, les machines et leur conscience ont trouvé refuge en Asie, dont les peuples ont au contraire adopté cette nouvelle forme de vie cohabitant avec les humains. Soldat membre des forces spéciales américaines, terrassé par l’échec d’une opération d’infiltration qui a coûté la vie de sa femme Maya (Gemma Chan) cinq ans plus tôt, Joshua (John David Washington) rempile quand sa hiérarchie lui propose une nouvelle mission. Objectif : empêcher à tout prix l’utilisation par le camp ennemi d’une nouvelle arme de destruction massive. Surprise (encore !) : l’Armageddon prend les traits d’une petite fille-robot.

Le créateur éblouit tout d’abord par la beauté de ses effets visuels et de sa direction artistique générale. Épaulé par le fabuleux directeur de la photo Greig Fraser (Zero Dark Thirty, Rogue One, Dune…), Gareth Edwards cisèle chaque plan comme une toile de maître, compose des arrière-plans futuristes nimbés dans la brume et nous catapulte dans un univers de SF aussi crédible que somptueux. Rien à voir avec les images de synthèses standards et bâclés de la plupart des blockbusters récents, productions Marvel et DC en tête. Le design des créatures hybrides – des robots à visage humain – semble tout droit sorti d’un manga et l’œil du spectateur est constamment sollicité par les trouvailles visuelles d’Edwards et son équipe technique.

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On se pince en apprenant que Le créateur aurait coûté moins de 100 millions de dollars, il paraît en faire le double à l’écran. Le film a par ailleurs été tourné en décors naturels bien réels à travers toute l’Asie du Sud-Est et nos rétines se régalent. Quel bol d’oxygène après tant de superproductions abusant de fonds verts hideux ! Fabriqué avec, nous dit-on, une méthode de travail économe en personnel sur le terrain qui pourrait indiquer la voie à suivre pour les blockbusters à venir, le résultat évoque à la fois les styles d’Otomo, Blomkamp et Coppola pour la troublante parenté de toute l’intrigue avec Apocalypse maintenant. Dans l’interview qu’il nous a accordé, Gareth Edwards ajoute que selon lui, Le créateur pourrait être le fruit des amours d’un James Cameron et d’un Terrence Malick et, de fait, à son foisonnement graphique, le film greffe une fascination contemplative pour la splendeur terrestre sous la furie des conflits.

Un scénario manichéen

Biblique en diable – comment ne pas l’être avec un héros nommé Joshua (l’homme qui, après Moïse, conduit les Hébreux vers la Terre promise) –, Le créateur souffre, hélas, aussi d’un trop-plein d’influences. Volcan à idées, Gareth Edwards semble submergé par ces dernières, mais aussi par ses emprunts, qui parcourent tout le récit à la vitesse de coulées de lave incandescentes. Plus la trame se déploie et agrandit l’échelle du spectacle, plus les pistes scénaristiques s’apprennent. Le traitement même de l’intelligence artificielle semble inabouti, se résumant à des robots rebelles déjà vus mille fois depuis Asimov et Philip K. Dick, tandis que le manichéisme d’un script programmatique et grossièrement tiers-mondiste (Occident = méchant agresseur, Orient = victime opprimée) court-circuite l’excitation initiale. Au final, on aura bien du mal à saisir le point de vue de Le créateur sur son sujet d’une brûlante actualité, si ce n’est une empathie binaire du cinéaste envers les êtres de synthèse.

Vraiment dommage, parce qu’on aimerait tellement couvrir de lauriers ce blockbuster fait avec le cœur et une imagination vertigineuse. Film paradoxal, Le créateur n’évite pas la sensation de déjà-vu tout en affirmant sa singularité visuelle dans un paysage hollywoodien aseptisé au rayon pop-corn. Ses boulons auraient gagné à être resserrés en termes d’écriture, mais la machine, aussi imparfaite soit-elle, nous plongeons néanmoins dans un bain d’images suffisamment fortes pour éviter à notre attention d’éclater aussi vite qu’une bulle de savon . Assurément, la voix de Gareth Edwards doit compter davantage dans la SF du XXIe siècle. Créateur à suivre et à défendre, le réalisateur gallois tente de faire bouger les lignes à Hollywood et malgré ses bugs, Le créateur mérite le détour, en particulier sur le plus grand écran possible.

« Le Créateur », de Gareth Edwards (2 h 13). En salle le 27 septembre.

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