La pandémie ne forcera pas les fusions et acquisitions dans le secteur bancaire européen en difficulté et les partenariats sont une meilleure voie pour améliorer la rentabilité, selon le directeur général du Crédit Agricole, 10e banque mondiale en termes d’actifs.
«Il y a urgence maintenant, à augmenter les performances financières et à baisser le ratio coût-revenu», a déclaré Philippe Brassac, patron du groupe coopératif français, dans une interview. «Il y a une solution, c’est la coopération» – pas la négociation – a-t-il ajouté, en appelant à une «accélération» des types de partenariats qui sous-tendent le modèle économique du Crédit Agricole.
Ses commentaires soulignent les barrières encore élevées aux fusions perçues par les principaux banquiers européens, qui minimisent les discussions sur les accords en raison des obstacles importants de la réglementation et des exigences de fonds propres.
M. Brassac, qui a réorganisé la banque et vendu des actifs au cours de ses cinq années de fonction, estime que la finance européenne a un besoin urgent de partenariats supplémentaires dans des domaines tels que l’assurance, le crédit à la consommation et la gestion d’actifs.
La coopération pour le Crédit Agricole comprend des joint-ventures entre sa branche crédit à la consommation et la banque espagnole Bankia; et dans la gestion d’actifs où le Crédit Agricole a repris l’an dernier les opérations de conservation mondiales de Banco Santander, les deux banques conservant des participations dans l’activité combinée de 3,8 milliards de dollars
Elle a également un partenariat en assurance en Italie avec Credito Valtellinese, où la banque française a racheté le prêteur italien; et, à plus grande échelle, via le plus grand gestionnaire d’actifs européen Amundi, qui vend des produits via des banques partenaires qui prélèvent ensuite une commission. Amundi a été créée en janvier 2010, réunissant les branches d’investissement de la banque française rivale Société Générale et du Crédit Agricole, qui en détient 70%.
Le modèle, dit M. Brassac, permet aux réseaux de distribution de se développer à moindre coût, faisant baisser les coûts: «C’est facile, c’est accessible, ça rapporte tout de suite et ça respecte les marques.»
En 2016, Amundi a finalisé l’achat de 3,5 milliards d’euros du gestionnaire d’actifs Pioneer Investments auprès d’UniCredit en Italie. «Aucun client ne dit: ‘hé, UniCredit est moins UniCredit puisqu’ils n’ont plus Pioneer.’ Pas une. Aucun client de SocGen ne pense que ce n’est pas vraiment une banque car sa gestion d’actifs est Amundi », a déclaré M. Brassac.
Il a fait valoir que les fusions transfrontalières restent trop difficiles à réaliser dans le secteur bancaire européen et a déclaré que s’il y avait une certaine marge de consolidation dans certains pays, la France avait déjà un système bancaire concentré. Des rivaux tels que le directeur général de SocGen, Frédéric Oudéa, et la présidente exécutive de Santander, Ana Botín, ont fait valoir que la consolidation est essentielle et attendue depuis longtemps, mais toujours difficile en raison de la réglementation en Europe.
Les banques françaises souffrent avec leurs homologues européens du fait des taux négatifs et de l’impact de la pandémie de coronavirus sur leurs bilans.
Alors que SocGen et Natixis ont chuté en pertes au deuxième trimestre, BNP Paribas et Crédit Agricole ont tous deux enregistré des bénéfices sur les trois mois.
Sur le véhicule coté du Crédit Agricole, les bénéfices baissent d’environ un cinquième à 954 M €, après que les provisions pour créances douteuses se sont élevées à 842 M €. La société allemande de paiement Wirecard, qui s’est effondrée, a représenté près de 110 millions d’euros de cette créance irrécouvrable, selon des personnes proches de la situation.
Après la crise financière, le Crédit Agricole s’est éloigné des activités plus risquées et il est plus diversifié que ses concurrents domestiques SocGen et Natixis.
M. Brassac parie que l’économie française rebondira rapidement, après avoir subi sa plus forte contraction depuis la Seconde Guerre mondiale au deuxième trimestre de l’année, indiquant une flambée des paiements après la fin des verrouillages.
Dans le cadre d’un train de mesures d’urgence, l’État français garantira 300 milliards d’euros de prêts bancaires aux entreprises pour éviter qu’elles ne s’effondrent faute de liquidités.
Le Crédit Agricole lui-même a accordé 27,8 milliards d’euros de prêts adossés à l’État. M. Brassac a déclaré que la banque avait approuvé 97,5% des demandes de prêts aux entreprises qu’elle avait reçues, ajoutant que «la majorité» les rembourserait.
La confiance a commencé à revenir, «portée par les effets de la libération», a-t-il dit. «C’est un peu comme après une guerre.»
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